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CRITIQUE : "A BIGGER SPLASH"

CRITIQUE : "A BIGGER SPLASH"

 Synopsis : "Lorsque la légende du rock Marianne Lane part sur l’île méditerranéenne de Pantelleria avec Paul, son compagnon, c’est pour se reposer. Mais quand Harry, un producteur de musique iconoclaste avec qui Marianne a eu autrefois une liaison, débarque avec sa fille Pénélope, la situation se complique. Le passé qui ressurgit et beaucoup de sentiments différents vont faire voler la quiétude des vacances en éclats. Personne n’échappera à ces vacances très rock’n’roll…

Sortie (France) : 6 avril 2016

Critique

Réaliser la ré-adaptation d'un film déjà existant implique toujours de réussir à aboutir à une production entièrement indépendante de sa version originale. Pas facile donc de faire le grand plongeon, surtout lorsqu'on s'attaque à une oeuvre de la Nouvelle Vague, qui plus est française : "La Piscine" de Jacques Deray (1969), le public étant très attaché à ses icônes spécialement Delon et Romy... La signification de leurs retrouvailles à l'écran les avait peut-être eux-mêmes dépassé à l'époque, puisqu'ils étaient devenus dès la première scène, d'anthologie, un couple éternel et populaire pour des générations entières... Ici nous avons Tilda Swinton et Mathias Schoenaerts : un couple étonnant pour son ambyvalence, elle, si androgyne, et lui, si masculin, le tout rejoint par un Ralph Fienes, en très grande forme, personnage déjanté, bavard et dévorant d’énergie, narcissique et toxique. A partir de ce casting, et pour cette oeuvre, Luca Guadagnino a donc tenté de partir d'une nouvelle écriture cinématographique. 

Il réadapte avec succès le thème à des enjeux plus contemporains déroulant son histoire sur fond de drame migratoire, dans le décor italien de l'île de Pantelleria située à la croisée des chemins entre la Tunisie et l'Italie... Dans ce huit-clos insulaire il porte un intérêt particulier au rapport entre le masculin et le féminin. Pénélope (interprétée par Dakota Johnson) la jeune adolescente, et Marianne, l'ex chanteuse de rock devenue aphone, se définissent par rapport aux hommes, ces derniers étant à la source de la structure du film. Un modèle très traditionnel s'installe...mais lorsqu'il est associé aux pires pulsions humaines, ce schéma se renverse. L'image de la douce adolescente innocente et naïve, est profondément altérée voire littéralement inversée par sa conduite et ses poses lascives. La figure de Marianne, ancienne rock-star habituée à un mode de vie dissolu, contre-balance nettement avec la femme profondément bourgeoise qu'elle est devenue avec Jean-Paul... Le réalisateur, aime renverser les codes et touche en profondeur à la représentation de certains schémas sociaux, notamment des comportements jeunistes à l'extrême, dans notre société, et la perte de repères générationnels. Ralph Fienes, interprète un éternel joueur, un galopin, et taquin, au risque de se brûler les ailes... Le réalisateur ne fait donc pas que reprendre une histoire déjà écrite, il l'actualité aisément avec un casting cinq étoiles, et une esthétique très travaillée. Cessons d'étudier son film à travers le prisme éternel de "La Piscine" de Deray, autrement dit analysons le en tant qu'oeuvre artistique subjective et esthétique, indépendante.

CRITIQUE : "A BIGGER SPLASH"
CRITIQUE : "A BIGGER SPLASH"

Force est de constater que la qualité de l'image d'"A Bigger Splash" est indéniablement bonne. Son directeur de la photographie, Yorick Le Saux, soigne chaque détail et c'est aussi chamarré qu'un tableau de David Hockney. Les cadres sont très expressifs et Tilda Swinton y évolue, drappée dans des robes virelotantes au gré du Sirocco, avec une grâce infinie... Italien, le réalisateur ne l'est pas seulement de naissance, il l'est aussi de coeur car on y retrouve une harmonie inspirée du néo-réalisme d'Antonioni, aussi bien sur l'esthétique brute et immédiate que sur le fond : tournage en extérieur, omniprésence de la route, et récit de la misère italienne. L'intégration de l'errance des migrants au film est en parfait désaccord avec les troubles amoureux, sociaux, personnels, dont font part les personnages, problèmes qui nous paraissent bien cotonneux à côté de ce qu'affrontent les immigrés : suspicion, rejet, emprisonnement, indifférence dédaignable de la population à leur égard... Cette mise en parallèle joue un effet miroir de la société qui ferme les yeux sur ce drame humain qui se joue à ses frontières.  

Esthétiquement soigné, le film est un bel hommage à cet héritage filmique des années 1960. Seulement, là où le néo-réalisme italien inventait un réel renversement des modes traditionnels de production des films, Luca Guadagnino ne créé aucun désordre. D'ailleurs le scénario glisse beaucoup trop aisément sur des facilités scénaristiques évidentes, d'autant que le sujet du quator amoureux est traité de manière si quotidiennement similaire sur nos écrans que rien ne  nous surprend.  Il ne va pas assez loin dans la confrontations des enjeux, et même si le résultat visuel est probant, l'intérêt d'une telle démarche d'adaptation reste encore trop inconsistante pour qu'on puisse réellement y déceler une volonté de créér quelque chose de nouveau. Ce "Splash" ne dévaste pas grand chose. Ne vous attendez qu'à quelques vagues...

Note:  (3,5/5)

Courtesy of StudioCanal

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