19 Septembre 2017
Si vous êtes actifs sur la Twittosphère cinéphile, vous avez sûrement déjà entendu parler du documentaire "Les Cinéphiles" réalisé par Maxime Solito plus connu sous l'identité de @CaptainMarv. Présenté comme "le grand dynamitage du cinéma français", ce documentaire financé grâce au site Kiss Kiss Bank Bank fait déjà réagir bien avant sa sortie en VOD. Rencontre avec un cinéphile qui veut faire bouger les choses...
Parle-nous des origines de ton film !
Maxime Solito : "Comme beaucoup d'amis, j'ai pour ambition un jour de réaliser des films de genre. Étant français, je sais que c'est quasiment impossible. De ce constat est né la question : pourquoi ? Pourquoi n'avons nous pas un cinéma aussi diversifié qu'ailleurs ? Et si moi je ne me sens pas représenté dans le cinéma de mon propre pays, qui d'autre partage ce sentiment ? Quelles en sont les causes ? Est-ce qu'il existe des solutions ? Il fallait donc au moins un documentaire pour percer l'abcès, parce qu'il est très tabou de parler de ça dans le milieu et c'est strictement impossible à filmer en dehors du circuit indépendant."
Quelles-ont été tes influences (réalisation, propos etc...) ?
M.S. : "Je voulais un docu' qui soit radical, politique mais aussi fun à regarder et cinéphile. En termes de réal, j'ai été très influencé par Guy Debord et Michel Hazanavicius pour l'aspect anar qu'on retrouve dans les films la classe américaine et la société du spectacle. Le montage s'inspire d'une série des années 90 qui passait sur Canal Jimmy : Dream On. Et le propos a été forcément influencé par ceux que je considère comme mes Obi-Wan et Yoda sur la vision du cinéma: Yannick Dahan et Rafik Djoumi."
Étais-tu convaincu par le dispositif du financement participatif au moment de lancer la collecte ?
M.S. : "Je savais que c'était un coup de poker. Si ça foirait, le projet s'arrêtait là, merci, au revoir et je retournais dans ma grotte. Toutes les autres pistes de financement avaient été des échecs, donc c'était quitte ou double. Maintenant je pense que je ne le ferais plus à l'avenir, parce que dans la mesure du possible, je crois que le public ne devrait pas participer à la production d'un film, mais simplement à sa réussite ou non une fois qu'il est diffusé."
Penses-tu qu'avec ces types de financements les spectateurs manifestent une curiosité supplémentaire face au développement des films ?
M.S. : "C'est certain. Les gens étaient très curieux du processus et voulaient souvent des updates. C'est pour ça que j'ai crée une newsletter et un hashtag #LesCinéphiles pour tout raconter, étape par étape. Ça fait participer les gens au-delà de l'argent qu'ils ont donné, et j'avais leur retour et parfois leur aide technique, comme sur la fabrication du DVD par exemple."
Comment es-tu parvenu à avoir une personnalité comme Céline Sciamma dans ton film ?
M.S. : "J'ai lancé des bouteilles à la mer envers plusieurs personnalités du cinéma français que j'estime. Sciamma était tout en haut de la liste. J'ai osé l'aborder à une avant-première de 'Bande de Filles' avant qu'elle n'entre dans la salle. Je m'étais a peine présenté en balbutiant qu'elle m'a dit "vous êtes Captain Marv ?". Et là, ça a été un choc. Elle a voulu faire l'interview, s'est rendu dispo, a été super cool et supportrice. Son aide a été miraculeuse pour le film. Je lui dois énormément."
On ressent dans tes tweets et dans la bande-annonce une certaine fermeté dans ton propos. Est-ce nécessaire selon toi quand on fait du cinéma ?
M.S. : "Non, c'est une question de personne et de caractère je pense. Le mien est violent, je le sais, je l'admets et j'essaye de rester courtois dans la mesure du possible avec mes interlocuteurs quand ils le sont. Ce qui me rend en colère, c'est l'injustice, les inégalités. Donc je suis intransigeant là-dessus et ça m'a attiré beaucoup de conflits avec des gens qui pensent que tout va bien dans notre pays, qu'il ne faut rien changer et à qui la situation arrange parce qu'ils méprisent les films que d'autres aiment et n'ont aucun intérêt à ce que la production soit plus diversifiée ou qu'on respecte les codes de bases de l'éthique professionnelle. Je suis encore trop jeune pour apprendre à fermer ma gueule, donc tant que ces injustices perdureront, je serai ferme pour les combattre."
Pour quelles raisons le film n'a t-il pas été distribué en salles ?
M.S. : "Pour qu'un film soit distribué, il faut un visa d'exploitation donné par le CNC. Or, le film est extrêmement critique sur le rôle du CNC par rapport à la situation catastrophique du cinéma français actuel. Donc il aurait été hypocrite de ma part de leur demander de valider un film qui va à leur encontre. C'est comme si Michael Moore avait demandé à la NRA de mettre leur logo pour approbation sur chaque affiche et DVD de 'Bowling for Columbine'."
Le public est-il selon toi réellement prêt à changer ses habitudes en salles ?
M.S. : "Non. J'ai coupé certaines scènes où j'encourageais les gens à profiter de leur cartes illimitées pour faire des choix militants, mais la réalité ne fonctionne pas comme ça. On ne demande pas aux masses de changer 30 années de mauvaises habitudes en un claquement de doigts. Le film donne des faits, les contextualise, les remet en question, cherchent leurs causes et leurs effets. Visiblement c'est assez violent en soi car j'ai déjà eu des réactions sur le film du type 'vous n'avez pas le droit de dire ça !'. Si j'arrive à convertir une seule personne à ma cause, j'ai gagné mon pari."
As-tu d'autres projets en cours ? Peux-tu nous en parler ?
M.S. : "Alors oui, et dur d'en parler car c'est top secret. Je peux juste dire que ce sera à la télé et que ça sortira courant 2018. En parallèle je travaille sur un autre documentaire en format long, mais je ne pense pas qu'il aboutira avant au mieux 2019. Je peux juste dire que ça parlera d'un réalisateur dont on parle souvent mais sous un angle inédit."
Si vous voulez voir le film avant tout le monde, avant-première et séance unique des Cinéphiles le samedi 30 septembre à 11h30 au Cinéma saint-andré des arts à Paris (par ici pour réserver votre place !). Pour les autres, le film sortira en VOD et DVD le 3 octobre sur Vimeo. Pour le DVD, c'est une édition limitée et presque tout est déjà parti !
Remerciements à Maxime Solito
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