Planète Cinéphile

Cette semaine

CRITIQUE: "LE RETOUR DE MARY POPPINS"

CRITIQUE: "LE RETOUR DE MARY POPPINS"

En son temps, il est raconté que Pamela L. Travers a fondu en larmes à la première de Mary Poppins, objectant alors que Walt Disney l’avait complétement dépossédé de son œuvre et de son intégrité artistique. Il est même dit qu’elle n’a plus voulu voir le film durant les vingt années suivantes. Mais inutile de trop tergiverser sur ce sujet, cette douloureuse expérience étant relaté dans le très bon (et enjolivé, sans nul doute) "Dans l’Ombre de Mary". Non, ici, il est plutôt question de la nécessité, ou non, de réaliser une suite à un film culte du studio américain, sorti alors en 1964 et qui restera jusqu’à la renaissance du studio fin 80 comme le plus gros succès du papa de Mickey.

Initié en 2015 et s’inspirant des romans suivants de la saga Mary Poppins, le retour de notre nounou favorite s’opérera alors vingt ans après le contexte du premier film, se concentrant alors sur les enfants Banks devenus grands: Michaël (Ben Whishaw, Mr. Grenouille pour "Le Parfum" ou Q dans "Spectre") et Jeanne (Emily Mortimer, chouchoute de Scorsese pour "Shutter Island" et "Hugo Cabret"). On retrouvera dans la maison familiale la gouvernante Ellen (par Julie Walters, notre chère Mme. Weasley de la saga "Harry Potter" ou encore la prof de danse de "Billy Elliot"). Emily Blunt (déjà aperçue cette année dans l’intéressant "Sans un Bruit") remplace l’inoubliable Julie Andrews et ajoute ainsi « comédie musicale » à son CV fort bien fourni. Enfin, notons tout de même la présence du toujours génial Colin Firth (Mark Darcy qui fait un carnage dans une église, toujours épique), Lin-Manuel Miranda (davantage connu pour avoir coécrit les chansons de "Vaiana") pour remplacer Dick Van Dyke (nous reviendrons à la fois sur ce point et sur le caméo de ce dernier) et de l’intemporelle Meryl Streep.

Un bon casting fait-il un bon film? Pas forcément. Je pose directement les pieds dans le plat sans attendre: "Le Retour de Mary Poppins" est un film tristement fade. Et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parlons des acteurs. Sur le papier, Emily Blunt incarne physiquement parfaitement Mary Poppins, mais dans le fond, ça coince sur la différence de psychologie entre les deux personnages. Julie Andrews incarnait à la perfection ce mélange astucieux de malice, de fantaisie, mais également d’autorité et de sécurité. Si on sent l’évident amusement et plaisir dans le jeu de Blunt, il en ressort un personnage principal beaucoup trop fantaisiste, n’influant jamais sur les enfants et cherchant n’importe quel prétexte pour pousser la chansonnette, le pire étant lorsque les trois enfants se lancent à la poursuite du méchant loup dans la porcelaine et qu’ils ne doivent leurs saluts qu’à la présence du chien et du cheval. Et cela n’est qu’une partie du problème, il apparaît trop rapidement que l’intégralité du casting semble évoluer en roue libre, le personnage de Jack n’étant qu’une vulgaire copie de celui de Bert, le côté dramatique du second éclipsé dans cette suite, les grands enfants Banks n’inspirent aucune mélancholie, que ça soit dans la tristesse de Michaël d’avoir perdu son épouse (balancé le temps d’une chanson et maladroitement servi par la suite) ou dans l’amourette complétement superficielle naissante entre Jeanne et Jack. Cette amourette d’ailleurs serait-elle un petit bras d’honneur de Disney à P. Travers pour avoir empêché une histoire d’amour entre Bert et Mary dans le premier film? À chacun son avis…

CRITIQUE: "LE RETOUR DE MARY POPPINS"

La seconde erreur de traitement vient également du scénario de l’histoire. Dans le premier, c’était quelque part le combat d’un homme trop absorbé par son travail pour réussir à reconquérir son âme d’enfant pour contrer un système capitaliste lui ayant fait perdre toute légèreté - le tout dans une conclusion qui, bien qu’extrêmement naïve, avait le mérite de faire sourire. Ici, il est davantage question d’un sujet très grave: le remboursement tardif d’un prêt étouffant Michaël sous le danger immédiat d’une saisie de la maison familiale, son seul espoir étant de retrouver les actions que son père possédait à la banque. Et c’est là que le bât blesse. Si on se battait contre un système dans le premier film, ici on se bat contre un homme extrêmement mal interprété par un Colin Firth, cartoonesque et cabotineur. Clairement, rien que ce personnage expédie la morale anticapitaliste intemporelle du premier au profit d’une histoire sordide à la gloire des placements financiers, le tout conté scandaleusement par un Dick Van Dyke abrutissant dont on attendait tellement plus de son caméo.

Et on touche du doigt le troisième défaut de ce film: les chansons. Où sont les titres ultra-entraînants que sont "Chem Cheminée", "Un Morceau de Sucre", "Petite Annonce pour une Nounou" ou "Prenons le Rythme"? Même si le côté niais de ces titres est évident, chacun servait un but dans le récit. Ici, plus des deux tiers des titres sont disposés de façon hasardeuses et desservent complétement le propos, nous sortant trop souvent de l’histoire et anéantissant toute la magie de l’univers. Les textes sont parfaitement ridicules et le rythme n’est pas du tout entraînant (mention très spéciale pour l’unique apparition de Meryl Streep pour un pur moment chanson gênant et malaisant). Heureusement, les costumes et les décors sauvent légèrement l’honneur…

Car on peut rétorquer que c’est un film pour enfants, je répondrais qu’il mérite justement encore plus d’attention. Mais lorsque l'on constate que Disney ne fait que des ressortis de ses vieux dessins-animés en film-live ou tente de pomper jusqu’à la moëlle les sagas Star Wars ou Marvel, il y a de quoi avoir un goût amer en bouche. Le film est proprement abrutissant, interminable et terriblement malaisant. Et qu’on ne me dise pas que j’ai perdu mon âme d’enfant, car cette année, "Jean-Christophe & Winnie" tablait sur la même histoire et a su tellement mieux gérer les mélanges entre atmosphère enfantine et moment obscur. Alors je me pose cette question: que penserait M. Walt, pourtant pas tout blanc, loin de là, de ce que devient son entreprise aujourd’hui?

 

Note: 1/5

Remerciements à NCo (just_an_ellipsis)

Partager cet article

Repost0

Commenter cet article