16 Octobre 2019
Tiré du roman éponyme de James Dickey, le film "Délivrance" ("Deliverance" en VO), sorti en pleine Guerre du Viet Nâm, est classé depuis peu parmi les films patrimoniaux du cinéma américain. Il s’agissait pourtant, lors de sa sortie, d’une œuvre qui choqua son public.
Quatre citadins, représentatifs de la middle-class américaine, décident de descendre une rivière sauvage en canoë, avant qu’il ne soit trop tard. En effet, un barrage en cours de construction va bientôt la condamner. Les dangers qu’ils vont devoir affronter ne viendront pas seulement de la nature, apparemment hostile, mais aussi de ceux qu’ils vont croiser et d’eux-mêmes.
Lorsque "Délivrance" sort, en 1972, ce film brutal est vu, à tort, comme une réponse à l’esprit "baba-cool" de l’époque. Le retour à la nature, tant prisé par le mouvement hippie, serait un leurre, à en croire certains, puisqu’il implique de terribles dangers. La mise au point s’impose: le plus grand danger que rencontrent les aventuriers amateurs de "Délivrance" émane de l’homme, et seulement de lui. Il s’agit plus d’une œuvre renvoyant au contexte de l’époque, et en particulier au conflit vietnamien. Michael Cimino reconnaîtra d’ailleurs avoir été inspiré par "Délivrance" pour son "Voyage Au Bout De l’Enfer".
Cinéaste pessimiste, usant volontiers de scènes violentes, John Boorman n’épargne rien à ses spectateurs. Dès les premières scènes, lorsque ses héros débarquent dans une communauté montagnarde où la consanguinité a fait des ravages, le malaise s’empare du spectateur. La scène du duel entre le banjo et la guitare, à la fois poétique et inattendue, ne fait finalement qu’ajouter au trouble qui ne se dissipera plus.
Doté par sa production d’un budget limité, John Boorman dut se résoudre à tourner "Délivrance" avec les moyens du bord. La plupart du temps, ses acteurs ne sont pas doublés, même dans certaines scènes périlleuses. Ainsi, ce sont véritablement eux qui apparaissent dans la scène des rapides, et Jon Voight effectua lui-même l’escalade vertigineuse que réalise son personnage. Pour la petite histoire, Burt Reynolds fut d’ailleurs victime d’une fracture du coccyx au cours du tournage. Avec le recul, cette réalisation « à la dure » donne au film un réalisme le rendant d’autant plus percutant et cruel. Osant une des premières scènes de viol entre hommes du septième art, le metteur en scène va jusqu’au bout de son propos, transformant la descente de la rivière en un terrifiant voyage initiatique.
Quarante ans après sa sortie, et même s’il accuse le poids des années, "Délivrance" a gardé sa force brutale, viscérale. Film qui marqua son époque (et fut nommé pour l’Oscar du meilleur long métrage ainsi que celui du meilleur réalisateur), il fait dorénavant partie des classiques.
Remerciements à Arte Cinéma & Laurent avec "Deuxième Séance" (http://deuxiemeseance.over-blog.com)
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