23 Mai 2014
Avant-dernier jour de festivités cannoises et deux nouveaux films en compétition officielle, "The Search" de Michel Hazanavicius & "Adieu Au Langage" de Jean-Luc Godard.
Seconde compétition officielle pour Michel Hazanavicius, trois ans après "The Artist", qui avait été récompensé par le Prix d'interprétation masculine à Cannes (Jean Dujardin). Le film se passe pendant la seconde guerre de Tchétchénie, en 1999. Il raconte, à échelle humaine, quatre destins que la guerre va amener à se croiser. Après l’assassinat de ses parents dans son village, un petit garçon fuit, rejoignant le flot des réfugiés. Il rencontre Carole, chargée de mission pour l’Union Européenne. Avec elle, il va doucement revenir à la vie. Parallèlement, Raïssa, sa grande sœur, le recherche activement parmi des civils en exode. De son côté, Kolia, jeune Russe de 20 ans, est enrôlé dans l’armée. Il va petit à petit basculer dans le quotidien de la guerre ...
On en attendait beaucoup de ce nouveau projet français cinématographique, ambitieux s'il en est, de Michel Hazanavicius. Malheureusement, à aucun moment, on arrive véritablement à rentrer dans cette reconstitution historique à gros budget, qui est censée nous faire croire à cette Tchétchénie, théâtre d'une horrible guerre. Constat d'autant plus flagrant que l'une des intentions principales du réalisateur est de chercher à tout prix à nous émouvoir à travers des destins croisés (exécutés en montage parallèle) - et les ressorts intentionnels sont trop pré-visibles. Alors, certes, dans un élan de générosité, quelque séquence peuvent toucher par une action ou une réplique, et notamment lors des relations entre l'enfant et Carole (interprétée par Bérénice Béjot, fausse bonne idée entre nous). Mais, en vérité, le drame du film est qu'à chaque fois que le cinéaste cherche à coller au plus près de la réalité et "faire vrai" (cadre épaule assorti d'un objectif longue focale, costumes d'époque, décors, maquillages, figuration, etc.), on s'aperçoit que la résultat sonne faux. Ce ressentiment de rupture formelle est accentué dès le début du film qui commence en found footage, s'enchaînant avec une séquence fictive (posée, léchée & étalonnée) - on passe du coq à l'âne ! On avait apprécié l'exercice de style artistique de "The Artist", mais pour le coup, la recherche de "The Search" s'avère infructueuse. Surfait (Note : 1,5/5) - Sortie (France) : 26 Novembre 2014.
Jean-Luc Godard, grand absent de cette 67ème édition (voir sa lettre filmée à l'intention du président, Gilles Jacob, et des festivaliers), présentait son ultime chef-d'oeuvre punk expérimentale 3D. Le propos est simple. Une femme mariée et un homme libre se rencontrent. Ils s'aiment, se disputent, les coups pleuvent. Un chien erre entre ville et campagne. Les saisons passent. L'homme et la femme se retrouvent. Le chien se trouve entre eux. L'autre est dans l'un. L'un est dans l'autre. Et ce sont les trois personnes. L'ancien mari fait tout exploser. Un deuxième film commence. Le même que le premier. Et pourtant pas. De l'espèce humaine on passe à la métaphore. Ca finira par des aboiements. Et des cris de bébé.
On reste quelque peu surpris par les "critiques de cinéma" qui avouent ne rien comprendre au film, au cinéma de Godard. Il est vrai qu'il faudrait revoir le film plusieurs fois pour pouvoir l'analyser en profondeur, tant il s'apparente à un OVNI (objet visuel non identifié) - certains parlent de mouvement punk impressioniste (art plastique ?). Mais Godard interroge avant tout la politique du septième art : "Qu'est-ce que le cinéma donne à voir aujourd'hui ?" Quelque piste à creuser ... Tout d'abord, Jean-Luc Godard s'essaye depuis toujours à la réflexion et l'évolution du cinéma - en l'occurence ici, par l'usage d'une 3D démocratisée (prix & matériel) et qu'il s'amuse à expérimenter et à tourner en dérision pour la première fois. On peut également, revoir son précédent, "Film Socialisme", puis réécouter, par exemple, l'analyse de Jean Douchet, sur France Culture - qui revient sur le sens des séquences et des mots. Enfin, on peut comprendre le choix du cinéaste de ne pas se rendre à Cannes, dans la mesure où l'artiste n'a pas à expliquer ou à justifier son oeuvre, l'oeuvre étant en elle-même son expression - qu'à t-il d'autre à dire ? Dans l'art tout n'est pas livré à brûle-pourpoint, cela demande une certaine gymnastique d'esprit, de la part du récepteur pour la compréhension. Si vous n'avez pas compris le film, revoyez-le, interprétez-le à votre manière - projection de votre liberté ("La possibilté d'expliquer m'a toujours paru la seule excuse à l'existence de la parole"). Il n'y a que Godard, aujourd'hui, qui a l'audace de savoir utiliser le cinéma, comme langage cinématographique et qui, en plus, s'en amuse. L'indépendance révolutionnaire de penser cinéma : "J'irai là-bas où je suis resté" - un émouvant testament. (Note : 4,5/5) - Actuellement en salle.
BONUS :
PALMARES - CINEFONDATION
Le Jury de la Cinéfondation et des courts métrages présidé par Abbas Kiarostami et composé de Mahamat-Saleh Haroun, Noémie Lvovsky, Daniela Thomas et Joachim Trier, a décerné les prix de la Cinéfondation lors d’une cérémonie salle Buñuel, suivie de la projection des films primés. La Sélection comprenait 16 films d’étudiants en cinéma choisis parmi 1 631 candidats en provenance de 457 écoles dans le monde.
Premier Prix :
"Skunk"
réalisé par Annie Silverstein
The University of Texas at Austin, États-Unis
Deuxième Prix :
"Oh Lucy !"
réalisé par Atsuko Hirayanagi
NYU Tisch School of the Arts Asia, Singapour
Troisième Prix ex aequo :
"Lievito Madre"
réalisé par Fulvio Risuleo
Centro Sperimentale di Cinematografia, Italie
Troisième Prix ex aequo :
"The Bigger Picture"
réalisé par Daisy Jacobs
National Film and Televison School, Royaume-Uni
PALMARES - QUINZAINE DES REALISATEURS
Grand Prix Nespresso :
"The Tribe"
réalisé par Myroslav Slaboshpytskiy
Prix Révélation "France 4" :
"The Tribe"
réalisé par Myroslav Slaboshpytskiy
Prix SACD :
"Hope"
réalisé par Boris Lojkine
Aide Fondation Gan à la Diffusion :
"The Tribe"
réalisé par Myroslav Slaboshpytskiy
Prix Découverte Sony CineAlta (court métrage) :
"A Ciambra"
réalisé par Jonas Carpignano
Prix Canal+ (court métrage) :
"Crocodile"
réalisé par Gaelle Denis
Courtesy of Le Festival de Cannes, AFP & La Quinzaine Des Réalisateurs
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