Planète Cinéphile

Cette semaine

L'AUTRE SORTIE DE LA SEMAINE : "PHILOMENA"

Philomena

 

 

 

Avant de commencer à vous présenter les sorties cinématographiques de cette seconde semaine de l'année, je me permets de revenir sur la pertinence et l'importance des propositions du rapport remis par René Bonnell, ce Mercredi, intitulé "Le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l’heure du numérique" - concernant le finacement du cinéma français et, plus précisément, de son exploitation en salle. Depuis de nombreuses années, force est de constater le nombre incalculable de sorties cinématographiques hebdomadaires sur le territoire national (et plus encore à Paris), alors que la fragilité du contexte économique actuel permet à une famille de classe moyenne, et plus largement au grand public, de pouvoir découvrir un film par mois, en moyenne (et encore !).

 

Vous me direz, heureusement qu'une partie des recettes des blockbusters et autres productions américaines est directement reversée au CNC (taxe spéciale additionnelle) - exception franco-française - mais d'un point de vue commercial ou plutôt éthique, quelque chose a évolué. Un long métrage est fait pour être vu dans une salle de cinéma aurait contesté un cinéphile dans les années soixante-dix. Aujourd'hui, en ce mois de Janvier 2014, rien n'est plus pareil, tout a changé (des technologies de diffusion, aux nouveaux modes de vie) et au-delà l'exploitation, c'est l'intégralité de la chaîne de production et de promotion d'un long métrage qui est à revoir, repenser, pour une diffusion finale destinée à la VOD et/ou aux écrans secondaires (alors que se déroule en ce moment même le Salon du CES). Une réflexion déjà menée par de nombreux cinéastes et producteurs, dont Steven Spielberg et George Lucas, il y a quelques mois . Encore combien de temps continuerons-nous à concevoir une production cinématographique comme dans "La Nuit Américaine" de François Truffaut ?

 

Un mouvement est actuellement en marche et il paraît évident de rester réaliste quant à la préservation de notre système de production cinématographique nationale, notamment vis-à-vis de ces nombreux et puissants concurrents. Clamons-le, trop de films tuent les films ! Faut-il rappeler que la création d'une oeuvre de long métrage n'est pas un acte anodin, que cela représente de nombreux investissements financiers et de temps, qui peuvent s'échelonner entre deux à cinq ans - pour au final, passer inaperçu pour certains. Extrait de l'article paru sur le site 'lesechos.fr: "Au-delà des questions de financement, René Bonnell va beaucoup plus loin et lance des ballons d’essai à même de susciter de nouvelles polémiques. Il remet ainsi en cause le dogme de la sortie en salles de chaque film, aujourd’hui obligatoire pour bénéficier du soutien public. Constatant que nombre d’entre eux n’ont pas la possibilité d’être exploités sereinement sur grand écran, compte tenu des embouteillages récurrents dans les salles, il pose la question de leur sortie directe en vidéo. Il sort en moyenne douze films par semaine en France et, confrontés aux locomotives du secteur, les petits films sont à la peine. Longtemps, cette question a été tabou et le rapport rappelle que les esprits «ne sont pas mûrs» chez les réalisateurs par exemple. Enfin, sur la chronologie des médias, René Bonnell estime qu’il est plus que temps de préparer l’avenir, à l’heure où l’américain Netflix semble décidé à débarquer en France. Une certitude : il faut préserver l’exclusivité de quatre mois de la salle. Mais après, il préconise une approche beaucoup plus souple pour permettre au cinéma français d’entrer - enfin - dans le XXIè siècle." Vous pouvez consulter l'intégralité du rapport et des documents officiels, en cliquant ici.

 

Cette semaine, combien d'entre vous se rendront en salle pour voir, la très bonne comédie dramatique et romantique "The Spectacular Now" de James Ponsoldt, le drame "Pour Ton Anniversaire" de Denis Dercourt, le biopic "YSL" de Jalil Lespert, l'autre biopic "Lovelace" de Rob Epstein & Jeffrey Friedman, la comédie d'horreur espagnole "Les Sorcières De Zugarramurdi" d'Alex De La Iglesia, les "Cadences Obstinées" de Fanny Ardant, le thriller américain "Homefront" de Gary Fleder, la comédie romantique "Destination Love" de David E. Talbert (en VOD ?), la resortie du classique "Les Contes De La Lune Vague Après La Pluie" de Kenji Mizoguchi ainsi que "Philomena" de Stephen Frears, Prix du Meilleur Scénario à la Mostra de Venise 2013 ? "Planète Cinéphile" vous présente, en exclusivité, les notes de production du film.


 

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UN DUO IMPROBABLE : JUDI DENCH & STEVE COOGAN


 Judi Dench : "J’avais travaillé avec Billy Connolly sur LA DAME DE WINDSOR, et Steve Coogan et Billy se ressemblent beaucoup d’une certaine manière. Ce sont tous les deux de grands acteurs comiques, mais ils s’impliquent énormément lorsqu’ils incarnent des rôles dramatiques, loin de leur univers habituel. Bien entendu, entre les prises, ils vous font pleurer de rire. Plus l’atmosphère est tendue, mieux c’est. Si nous avions tourné une comédie, peut-être aurions- nous pleuré entre les prises ! Steve est un brillant imitateur ; dans la voiture qui nous emmenait sur le tournage, il s’amusait à imiter des célébrités."


Steve Coogan : "On se taquinait, on se chambrait. Cela nous a permis de détendre l’atmosphère. Nous avons beaucoup ri pour un film sur un sujet aussi grave. Après avoir rencontré Judi et avoir appris à la connaître, je me suis senti plus à l’aise. Je l’avais vue dans IRIS, et c’était l’image que j’avais gardée d’elle. J’espérais qu’elle apprécierait le fait que le rôle de Philomena soit différent. C’est un rôle magnifique et il n’en existe pas tant que cela. C’est un personnage entier. Lorsqu’elle a mis sa perruque, je me suis dit que je ferais mieux de me retrousser les manches, de hausser mon niveau de jeu et de faire mon possible pour ne pas être éclipsé par sa présence. Pourtant, sur le tournage, j’ai rarement vu Judi Dench : j’étais face à Philomena. Nous évoluions donc d’une certaine manière dans un univers différent. Nous n’étions pas là pour animer un talk-show et faire la fête, mais pour tourner des scènes que nous voulions justes."

 

PHILOMENA : DU LIVRE À L’ÉCRAN


Philomena Lee a été surprise par le succès public du livre de Martin Sixsmith qui retrace son enquête sur les traces de son fils, The Lost Child of Philomena Lee : "Je n’arrivais pas à croire le nombre de lettres que Martin a reçues après sa parution."

Mais elle a été encore plus stupéfaite lorsqu’il est devenu certain que le livre de Martin allait être adapté sur grand écran. Sa fille, Jane, se souvient : "J’ai reçu un coup de fil de Martin qui m’a dit que Steve Coogan était intéressé pour adapter le livre. Je me souviens m’être dit que je ne le voyais pas jouer un rôle dramatique."

Philomena Lee : "Lorsque nous avons rencontré Steve chez Martin, ils m’ont dit qu’ils aimeraient adapter le livre pour le cinéma. Rendez-vous compte : mon histoire ! Je ne pensais pas que cela se ferait un jour. Mais Steve avait l’air véritablement touché par mon parcours. Lors de notre second rendez-vous, ils m’ont dit que Judi Dench avait fait part de son intérêt pour jouer mon rôle. J’étais plus que ravie !"

Jeff Pope, qui a coécrit le scénario du film avec Steve Coogan, se souvient : "Pour résumer, il s’agissait de l’histoire d’une Irlandaise qui part à la recherche du fils que des bonnes sœurs lui ont enlevé 50 ans plus tôt. À aucun moment Steve Coogan n’a été tenté d’écrire une réplique comique. Notre but était d’être fidèles aux faits, tout en mettant l’accent sur l’émotion. Nous savions qu’il serait intéressant d’explorer le choc des cultures. Mais ce qui m’a vraiment plu, c’est l’idée qu’a eue Steve de faire de Martin un personnage. Martin n’apparaissait pas dans le livre, Steve a donc eu l’idée de raconter l’histoire de cet homme de la classe moyenne, diplômé d’ «Oxbridge» et ancien chargé de communication pour le gouvernement britannique, et de cette modeste vieille dame irlandaise. Cette association a constitué notre point de départ. Martin a accueilli cette idée avec enthousiasme. Nous en avons également discuté avec Philomena et lui avons dit que nous voulions raconter l’histoire qui avait mené à l’écriture du livre. Ça a été une aventure intéressante pour elle. Le jour des 50 ans de son fils perdu, elle a confié à sa fille qu’elle avait eu un enfant hors mariage 50 ans plus tôt, qu’elle avait dû l’abandonner et que depuis, elle était à sa recherche. Je ne crois pas qu’elle se soit imaginé une seconde que son histoire aboutirait sur grand écran. Elle a été élevée dans la religion catholique et ressent encore beaucoup de culpabilité par rapport à ce qui lui est arrivé. Elle s’inquiétait de savoir ce que les gens allaient penser d’elle. Elle ne voulait pas embarrasser sa famille. Mais je pense que le film lui a permis de prendre conscience qu’aujourd’hui encore, des milliers de gens sont confrontés à la même situation. Si en parler permet ne serait-ce qu’à une mère et son enfant de se retrouver, alors, pour elle, cela en vaut la peine."

De son livre, Martin Sixsmith dit : "Comme beaucoup de bonnes histoires, celle-ci est née d’une coïncidence. Lors d’une soirée, j’ai rencontré quelqu’un, qui, sachant que j’étais journaliste, m’a raconté l’histoire de Philomena et de son fils perdu. C’était une histoire tellement poignante que j’ai ressenti le devoir de la raconter. Elle parlait d’amour, de séparation, d’espoir et finalement de rédemption. J’ai fait beaucoup de choses dans ma vie – j’ai travaillé pour le gouvernement, pour la BBC, j’ai été historien – mais je n’avais encore jamais raconté une histoire vécue. Et plus Philomena et moi travaillions ensemble, plus cela me semblait en valoir la peine. Nous menions en quelque sorte une enquête policière. Nous savions ce qui était arrivé à son fils : il avait été adopté et était parti aux États-Unis, mais nous ignorions tout de sa vie. Philomena était partagée à l’idée que j’écrive ce livre. Durant 50 ans, elle a eu le sentiment d’avoir commis une faute et de devoir garder tout cela pour elle. Mais je suis journaliste, c’est dans ma nature. Je ne suis ni irlandais ni catholique, j’ai donc pu écrire cette histoire avec un peu plus de distance."


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Le fait que Judi Dench ait très tôt donné son accord pour le film fut un réel avantage. L’actrice se souvient : "Steve a contacté Tor Belfrage, mon agent, et lui a exposé les grandes lignes de l’histoire. Tor m’a appelée pour me raconter le parcours de cette femme extraordinaire, toujours en vie, qui avait rencontré Martin Sixsmith et entrepris de découvrir ce qu’il était advenu de son fils. Steve est venu me rendre visite chez moi, nous nous sommes installés dans mon jardin. Il s’est mis à me lire le scénario et j’ai immédiatement été conquise."

Il restait cependant un choix important à faire : celui du réalisateur. Gabrielle Tana se souvient : "Nous avions pensé à beaucoup de réalisateurs, mais Stephen Frears arrivait en tête de notre liste. Christine Langan, qui avait collaboré avec lui sur THE QUEEN, lui a remis le scénario, qui a éveillé sa curiosité.» Stephen a travaillé sur le scénario avec Steve et Jeff durant trois mois avant de nous dire qu’il était partant. J’ai ensuite approché Cameron McCracken, chez Pathé, afin qu’ils distribuent le film. Cameron m’a très vite recontactée : il était séduit par le scénario et l’idée de retravailler avec Stephen et Judi, et nous a immédiatement donné son accord."

Stephen Frears : "Plusieurs éléments ont aiguisé ma curiosité dans cette histoire. J’ai particulièrement apprécié le fait qu’il s’agisse d’une histoire dramatique doublée d’une sorte de comédie romantique. C’est à la fois triste et joyeux, ce qui constitue un mélange particulièrement intéressant."

Stephen Frears était également ravi à l’idée de retravailler avec Judi Dench. PHILOMENA est leur quatrième film ensemble. Leur première collaboration, un téléfilm BBC intitulé GOING GENTLY, remonte à 1981 ; ils s’étaient également retrouvés sur MADAME HENDERSON PRÉSENTE.

Stephen Frears a également rencontré Philomena Lee et se souvient qu’elle était présente lors du tournage des scènes qui se déroulent dans la blanchisserie du couvent. Il raconte : "Je lui ai dit : «Vous ne devriez pas vous trouver ici. Vous avez dû passer toute votre vie à essayer d’échapper à ce lieu.» Philomena est quelqu’un d’incroyable. Il est impossible de deviner qu’elle a traversé une épreuve aussi difficile. Elle ne s’apitoie jamais sur son sort, elle ne porte pas de cicatrice visible. Elle est formidable, c’est une femme sincère, franche et directe. Dans le film, le personnage de Judi a réussi à conserver la foi, c’est également le cas de Philomena."

Interpréter Philomena fut une grande responsabilité pour Judi Dench : "Lorsque le personnage que l’on joue est encore en vie, on porte une responsabilité encore plus grande. Il faut être d’autant plus fidèle à l’histoire.» Stephen Frears rejoint l’actrice sur ce point : «Raconter la vie de personnes réelles est toujours une grande responsabilité, mais c’est encore plus vrai s’agissant de Philomena, car c’est une femme formidable qui nous montre l’exemple. Mais il m’a semblé qu’avec Judi, elle était entre de bonnes mains."

Jeff Pope : "Le plus intéressant dans ce film, c’est que la vie y occupe une place centrale et si cela permet aux mères et aux enfants de cette époque de se retrouver, alors c’est merveilleux. Mais le thème principal est celui du triomphe de l’esprit humain. Malgré cette épreuve, le cœur de Philomena est toujours empli d’amour."

 

 

Courtesy of Pathe Distribution (Textes : Coming Soon Communication) Rue89.com & Les Echos.fr

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