Planète Cinéphile

Cette semaine

@ L'AFFICHE, 16 SEPTEMBRE 2015

@ L'AFFICHE, 16 SEPTEMBRE 2015
@ L'AFFICHE, 16 SEPTEMBRE 2015

Pour cette deuxième semaine de rentrée, vous aurez remarqué que le temps maussade nous invite du côté des salles obscures. Le cinéma fait des histoires cette semaine en nous plongeant dans le passé avec, à l’écran, des parcours vrais ou romancés, comme en témoignent les nombreux biopics. Ces films ne sont pas pour autant de grandes fresques historiques mais des témoignages personnels émouvants, comme par exemple le devoir de mémoire d’Arnaud Kahayadjanian avec son film sur le génocide arménien. Parmi ce nouveau cru, le film "Much Loved" a aussi été remarqué et apporte un éclairage nouveau sur la société marocaine. Comme chaque semaine : coup de projecteur sur les sorties de Mercredi.

Tout d’abord on se replonge dans l’atmosphère larvée et cruelle de la Guerre Froide, avec des personnages originaux, dont Bobby Fischer dans "Le Prodige
" d’Edward Zwick (Tobey Maguire, Liev Schreiber, Michael Stuhlbarg) qui retrace l’histoire du champion américain d’échecs confronté en 1972 au joueur russe, Boris Spassky, pour le titre de champion de monde. Le film sélectionné au Festival International du Film de Toronto en 2014 a également été projeté lors du dernier Festival Américain de Deauville, au cours duquel il a reçu un accueil satisfaisant par le public qui a salué entre autres, la remarquable prestation de Tobey Maguire (voir infos ici). Toujours dans l’esprit rétro, "Agents Très Spéciaux – Code U.N.C.L.E" de Guy Ritchie, qui a réalisé la saga "Sherlock Holmes" (Armie Hammer, Alicia Vikander Henry Cavill) sort cette semaine. Directement inspiré des œuvres de Ian Fleming, c’est une sorte de "James Bond", à la fois pop, classe et teinté d'humour. Solo, est un agent de la CIA, contraint de s’associer avec Kuryakin, un agent du KGB, pour œuvrer dans le cadre d’une mission commune: empêcher une organisation criminelle d’obtenir l’arme nucléaire. Le film contient de belles scènes de course-poursuite et les tenues y sont lumineuses. On apprécie notamment la direction artistique et plus particulièrement les morceaux de la bande originale (Trilogie "Ocean's Eleven"). Rien de particulier à signaler, hormis le fait que l’on ressort du tiroir, le schéma scénaristique vieux comme le monde, du duo d’acteurs mal assorti et obligé de collaborer. Assez vieux jeu mais plutôt bon divertissement dans l'ensemble.

 

Lance Armstrong a également droit à son biopic. Ben Foster incarne le champion de vélo américain dans "The Program", de Stephen Frears (Ben Foster, Chris O’Dowd, Guillaume Canet). On y suit les grandes étapes de sa carrière au Tour de France, en même temps qu’un programme de dopage est démantelé (voir infos ici). Autre film historique dans les salles cette semaine: "N.W.A- Straight Outta Compton", de F. Gary Gay (O’Shea Jackson Jr. Corey Hawkins, Jason Mitchell) retrace la vie du groupe N.W.A qui a sorti en 1988 le tube dont est tiré le titre du film. Formé par cinq jeunes américains originaires de Compton, près de Los-Angeles, il est vite remarqué. Ils parviennent à vendre près de dix millions d’exemplaires. Le film tend à révéler que leurs textes, parfois trop violents, ont permis d’exorciser leur colère - un véritable succès cinématographique au box-office outre-atlantique. Dans la même veine, Xavier Giannoli réussit à nous faire rire en nous plongeant dans le Paris d’après-guerre, avec "Marguerite(Catherine Frot, André Marcon, Michel Fau). C’est une histoire plus romancée mais tout de même inspirée par celle de la chanteuse lyrique américaine, Florence Foster-Jenkins. Catherine Frot est Marguerite Dumont, une riche baronne passionnée d’opéra qui se met à chanter et enchaîner les récitals privés. Seulement, personne n’ose lui avouer la triste vérité: Marguerite chante horriblement faux. Catherine Frot, toujours remarquable, incarne un personnage drôle et émouvant. Le film est cependant reparti bredouille de la dernière Mostra de Venise.

Enfin, il est des films plus graves qui explorent le passé. Arnaud Kahayadjanian, le jeune réalisateur qui a déjà prouvé ses talents avec son remarquable court-métrage "Bad Girl", décide cette fois de s’installer en Turquie avec "Les Chemins Arides". Dans son documentaire il filme les descendants des déportés, qui furent menacés par le génocide arménien en 1915, ainsi que le portrait des descendants des Justes qui ont aidé à les sauver. Avec un œil à la fois d’investigation et personnel, puisque il retrouve ses origines, son nouveau film démontre comment la grande histoire s’entremêle souvent de parcours personnels et intimes. La lumière est faite par le cinéma sur certains dossiers de l’Histoire pour ne pas oublier. De leur côté, Marcus Vetter et Karin Steinberger, montrent dans "L’Oracle", l’histoire vraie mais méconnue de Martin Armstrong, un Nostradamus de l’économie. Conseiller financier américain et millionnaire, il a mis au point vers la fin des années 1990 un système informatique capable de déceler les tournants de la vie économique à partir de calculs mathématiques. En 1999, le FBI saisit son modèle informatique. Un film saisissant qui tente de faire la part entre la vérité et le complot, totalement actuel, dans le contexte de crispation économique, d’autant plus que Martin Armstrong, qui avait prévu les crises financières de 2007 et 2008, a également prévu une crise mondiale de la dette début Octobre 2015. A suivre de près donc… Autre documentaire, celui d’Hubert Sauper intitulé ironiquement "Nous Venons En Ami", qui est une enquête géopolitique sur le Soudan, pays où l'Etat est absent mais aussi pôle stratégique disputé par les Etats-Unis et la Chine, au détriment des intérêts de la population.

On termine ce bon cru hebdomadaire avec une sélection de films très divers, mais dans lesquels les personnages se voient tous offrir l’opportunité d’une nouvelle vie. Mathieu Vadepied filme dans
"La Vie En Grand" (Balamine Guirassy, Ali Bidanessy, Guillaume Gouix) une histoire d’échange d’identité dans un quartier sensible de Seine-Saint-Denis, où Adama rencontre un adolescent. Dans la même veine, Jonah Hill, ex-journaliste américain au New-York Times découvre qu’un tueur en série a pris son identité pendant des années dans "True Story" de Rupert Goold (Jonah Hill, James Franco, Felicity Jones). Enfin, un curé condamné à mort, en 1959, se remémore les étapes de sa vie tandis que la guillotine tombe. "Fou d’Amour", de Philippe Ramos (Melvil Poupaud, Dominique Blanc, Diana Rouxel) réinterprète librement un fait divers.

La grande surprise de cette semaine, c’est l’histoire poignante de "Much Loved" de Nabil Ayouch (Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Hamila Karaouane). Le réalisateur aborde un problème de la société marocaine, en filmant le parcours de Soha, Randa, Souhaina et Hlima, quatre jeunes filles de Marrakech qui vivent d’amours tarifés. Elles apprennent au quotidien à surmonter la peur mais surtout les violences qui leur sont faites. Le réalisateur, qui a vu son film sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, a par ailleurs soulevé une vague de critiques dans son pays d’origine. Le pari est réussi pour quelqu’un qui voulait faire explorer les non-dits, même si son film reste toujours interdit de projection au Maroc par le ministère de la communication qui lui reproche de divulguer une mauvaise image de la société marocaine. 

Les films se font témoignages de l’Histoire cette semaine, soit par de grands récits ou bien par de simples anecdotes. Qu’ils soient des histoires semi-romancées ou largement inspirées, ou encore des adaptations fidèles, il est toujours plaisant de constater comment chaque film aborde le passé à sa manière. Même s’ils abordent parfois la même période, la ré-interprétation y est toujours différente. "Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme!" pour citer Lavoisier. 
Bonne semaine cinématographique à tous.

 

Courtesy of Memento Films, Alfama Films & Pyramide Distribution

 

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