Planète Cinéphile

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CANNES 2014 : DIRECTOR'S CANNES #9

Director's Cannes

 

 

The Tribe, de Myroslav Slaboshpytskiy brille par la singularité de ses postulats esthétiques. Il raconte le parcours d'un sourd-muet dans une école où un gang de délinquants juvéniles installe, entre autres, un réseau de prostitution.

 

Là où le film est une expérience unique en son genre c'est que l'entièreté du casting est sourd-muet. Pas une seule parole n'est prononcée durant tout le film, et les conversations en langage des signes ne sont ni traduites, ni sous-titrées. Là où pourtant le cinéaste montre qu'il n'est pas qu'un petit malin qui aurait voulu nous rendre compte de la surdité en n'enregistrant aucun son et en rendant donc le spectateur sourd à son tour, c'est qu'au contraire il capte tous les bruits, tous les sons, mais dans un univers où personne ne parle. On assiste à des scènes surréalistes et poétiques, qui reprennent les topos d'Orange Mécanique, de West Side Story ou des films sur la délinquances, mais sans paroles aucune. Débarrassé de la contrainte du dialogue, le spectateur devient attentif au moindre son et aiguise paradoxalement son acuité auditive. Nous mettre dans un tel état d'aguets et d'attente est la marque d'un grand cinéaste.

 

Pour ajouter à la singularité du style et à la prouesse de mise en scène, il faut préciser aussi que le film est fait uniquement de longs plans-séquences, minutieux et amples à la fois, parfaitement orchestrés. Pourtant, le réalisateur n'a pas non plus choisit la facilité de la caméra à l'épaule façon Dardenne, qui aurait collé à la fois au propos et à la violence des scènes. Il cadre au contraire de manière constamment harmonieuse et donne à sa caméra, pourtant très mobile, des mouvements lents, lourds et en constante recomposition. Ce qu'il choisit de filmer est d'une violence rare, et le film sera en toute vraisemblance, interdit au moins de 16 ans lors de sa sortie en France.

 

Je ne suis pas loin de penser que The Tribe est peut-être le meilleur film que j'ai pu voir cette année, toutes sections confondues. Il est en tout cas, celui qui a la marque de fabrique la plus affirmée et qui effectue la prouesse technique la plus impressionnante. Pas étonnant, donc qu'il ait reçu 3 des 4 prix décernés à la Semaine de la Critique : Le Grand Prix, le Prix de la Découverte et le Prix de la Fondation Gan.

 

 

 

 

Courtesy of La Semaine de la Critique & Director's Cut

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